La Méthode Gaboriau

21,90 €

BROCHÉ 

Didier Bély 

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    Au cours d'une séance d'hypnothérapie, Louis Gaboriau visualise les événements d'une vie antérieure, celle d'un fondateur d'une multinationale décédée depuis une cinquantaine d'années.

    C'est alors que la séance à l'origine de cette vision va entraîner Louis dans une expérience au-delà du réel. 

Fiche technique

Auteur
Didier Bély
Genre
Roman
Nombre de pages
328
Dimension
152x229
ISBN
978-2-38460-092-2
Date de parution
mars 2023

Nikola Bajraktarević, un pot de chrysanthèmes pressé contre sa poitrine comme une excroissance de sa propre personne, se dirigeait religieusement vers le cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine. Une semaine que Marie Auris de la Ferrée y était enterrée dans la chapelle funéraire auprès de son époux. Nikola connaissait l’endroit, combien de fois avait-il accompagné Madame se recueillir devant le tombeau de famille.

Dès l’entrée, il tourna à gauche d’une sculpture monumentale en pierre blanche : une femme soutenant dans ses bras un soldat tué ; sur sa tête d’albâtre souillée par des fientes d’oiseaux iconoclastes, deux corneilles l’observaient d’un air réprobateur. Il leur jeta un regard mauvais. 

Pourquoi ne pourrait-il pas se recueillir auprès de Madame ? se dit-il, le cimetière est ouvert à tout le monde, même aux pestiférés. Il leur lança un caillou qui n’affecta pas leurs positions. Il grommela :

  • Allez faire voir.

Il s’arrêta face à une pierre tombale en marbre noir, une inscription dont les intempéries avaient rongé la dorure mentionnait « Ferdinand Oreille de Carrière, mort en 1875 ». Sur le devant un vase ébréché contenait les dépouilles de fleurs desséchées, une sépulture susceptible de ne plus jamais être révérée, Madame était la seule à y accorder un peu d’attention, elle y faisait une pause, se signait et restait une minute à se recueillir.

  • C’est un ancien cousin de la branche cadette, lui avait-elle indiqué la première fois pour expliquer sa démarche. Nous devons respecter nos ancêtres, Nikola.

Il acquiesçait, mais il n’avait plus d’ancêtres à honorer. Pour loger la multitude de nouveaux postulants pendant la guerre de Bosnie, les cimetières de Sarajevo avaient liquidé les stocks âgés. Ses grands-parents avaient été pelletés dans une fosse commune, autant dire que ceux morts en 1875 avaient dû permettre aux chiens errants d’alimenter leurs carcasses pouilleuses.

Il se campa devant une chapelle funéraire néo-classique, deux colonnes cylindriques supportant un chapiteau triangulaire sur lequel l’inscription « Famille Auris de la Ferrée » brillait de ses dorures. La grille pleine en métal noir ornée d’enjolivures était fermée à clé. Il déposa délicatement le pot de chrysanthèmes devant le monument, puis se recueillit longuement, la vibration de son téléphone interrompit des pensées funestes, le secrétariat de maître Chaudron, notaire de Madame, lui demandait de prendre rendez-vous dans les plus brefs délais.

 

Madame décéda un mois après que Nikola eut reçu sa lettre de licenciement pour faute lourde. Un huissier s’était déplacé aux Batignolles pendant sa garde à vue pour lui transmettre les documents en main propre. Il avait signé sa mise au rebut entre deux interrogatoires musclés. Les policiers voulaient connaître le nom de ses complices ; il risquait dix ans de prison s’il ne se montrait pas coopératif. Que pouvait-il répondre ?

  • Cocaïne pas à Nikola… Nikola drogue pas… Téléphoner Madame… Téléphoner Madame !

Après réflexion, les policiers admirent qu’ils n’avaient relevé aucune de ses empreintes digitales, ni sur le sac ni sur le sachet. La seule certitude : on avait trouvé deux cents grammes de cocaïne sur son armoire, ce qui, comparativement au don de Madame pour les orphelins de la police, paraissait sujet à caution pour une condamnation.

Vingt-quatre heures plus tard, station Porte de Clichy, il essayait de se repérer devant un plan du métro, avec objectif en tête d’aller chercher le pardon de Madame. 

Il sonna au portail rue Windsor, frappa le métal de son poing et sonna encore.



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