Le Journal d'un chat
BROCHÉ
Alice Besson
Fiche technique
- Auteur
- Alice Besson
- Genre
- Roman
- Nombre de pages
- 99
- Dimension
- 148x210
- ISBN
- 978-2-38460-022-9
- Date de parution
- Mai 2022
Mercredi 7 septembre 2016
⸺ Tu entends ?
…
⸺ Tu sais bien que j’entends mal, répondit Jacques qui, dans son agacement, en avait brisé sa biscotte.
⸺ J’ai pourtant entendu quelque chose au sous-sol, persista son épouse.
Pour en avoir le cœur net, elle descendit avec précaution le raide escalier.
Non, elle n’avait pas rêvé ; elle avait bien perçu des miaulements.
Elle appela son mari.
Devant elle, dans le bric-à-brac du garage, elle se trouva face à un chaton chétif qui lui criait famine.
L’effet de surprise passé, Jacques la rejoignit et le vieux couple se posa la même question : comment cette petite bête s’était-elle retrouvée au milieu de leurs affaires ?
Il y avait les fenêtres, bien sûr, qui donnaient au ras du sol, dans le jardin, et étaient grandes ouvertes à cette période de l’année. Mais comment un animal d’environ trois mois à vue d’œil avait-il pu franchir la clôture qui entourait la propriété ? Mystère.
Colette prit les choses en main. Elle alla chercher une assiette creuse et y versa du lait, bio s’il vous plaît. La maîtresse de maison n’avait pas attendu la mode des produits issus de l’agriculture biologique pour acheter des denrées de qualité.
En tout cas, bio ou pas, l’intrus lampa le contenu jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une goutte tout en émettant des ronronnements de plus en plus sonores.
Devant sa maigreur et sa faim, Colette lui redonna une seconde assiettée, aussitôt vidée goulûment, et se tourna vers son époux.
⸺ Tout à l’heure, tu iras lui chercher des croquettes, pour juniors, et une litière.
Les deux retraités regardèrent le chat qui, fatigué et repu, battit des paupières et se pelotonna pour s’endormir.
Pour l’heure, il avait plutôt l’air d’une créature tout droit sortie d’un film de Spielberg avec ses oreilles trop grandes pour sa tête minuscule et son petit corps, dont on entrevoyait les côtes, soutenu par des pattes trop hautes. Pourtant, il était beau avec sa fourrure châtain, zébrée de beige, qui en faisait un vrai fauve miniature. Jacques et Colette étaient déjà sous le charme, et il n’était pas dans leur maison depuis une heure.
Que fallait-il faire ? À qui appartenait-il ? Comment était-il arrivé jusqu’à eux ?
Ils furent d’avis de le laisser dormir, de vaquer à leurs occupations et de s’enquérir si un voisin n’avait pas perdu un félin. Mais, au fond, sans se le dire, il était évident qu’ils allaient le garder, que ce chat avait trouvé son foyer.
L’idée de la SPA ne leur avait même pas effleuré l’esprit, et encore moins celle de le relâcher. Pour aller où ?
Dans un endroit hostile où sa jeune vie aurait été menacée.
Les dangers ne manquaient pas par ici. Le souvenir de leur petite Suzy, percutée par un chauffard, était encore vivace. Et pas plus tard qu’en janvier dernier, le 21 pour être précis, la chatte de leur voisine s’était volatilisée, envolée, disparue.
Qu’était-il arrivé à cette magnifique pelote blanche aux yeux vairons, l’œil droit jaune doré et le gauche évoquant un ciel de montagne par beau temps.
Jacques avait déjà sauvé l’animal l’été précédent en éloignant un renard famélique qui lui tournait autour. Il l’avait cherché en vain pendant une semaine et avait dû se rendre à l’évidence lorsqu’en fermant les volets, il avait aperçu, à la lueur du lampadaire, une queue touffue qui, dans la nuit d’hiver, cherchait à pénétrer dans la ferme en face de chez eux pour accéder au poulailler.
La campagne était faite d’attraits et de cruauté. Pourtant, à cet instant, ils se sentaient déjà responsables de cette petite boule de poils…