Erétic vol 2: l'Embrasement d'Hyrésie

Comme chaque soir, après avoir terminé de dîner, elle passa un coup de chiffon sur la table à manger du salon et termina sa vaisselle dans la cuisine. Son sac à main était ouvert sur la table, et tout un tas de papiers étaient amoncelés dessus : factures, lettres, chèques, et une carte d’identité au nom de Sandrine Bonnard. Au-dessus de l’évier, une fenêtre qui reflétait son visage donnait sur la rue déserte et enneigée. Le froid faisait clignoter le lampadaire du coin de la rue, tel un code en morse plongeant par intermittence la rue dans le noir. Sur son plan de travail, son téléphone vibra. Elle posa son assiette dans l’évier, s’essuya les mains et décrocha.

—Gab ! Comment ça va ? Ça faisait longtemps !

Avec son épaule elle colla le téléphone à son oreille, en continuant de frotter sa vaisselle.

—Il travaille ce soir. En replongeant les mains dans l’évier, elle esquissa un sourire.

—Je sais, oui. À ce moment-là, venez manger pour Thanksgiving, ça nous fera plaisir. On s’occupera du lait de poule et on prendra la dinde, vous n’aurez qu’à vous charger du dessert.

Elle posa la dernière assiette sur l’égouttoir, se sécha les mains et reprit le téléphone.

—Non, non, demain. Elle finit son café, et rinça son verre.

—Ça marche, je lui dirai. Je vous embrasse fort les enfants ! Puis, elle raccrocha. Il était tard, Nico travaillait de nuit, et ne reviendrait pas avant le petit matin.

Après s’être assurée que toutes les lumières étaient éteintes et les portes bien fermées, elle prit sa douche et alla se coucher. Leur chambre se trouvait à l’étage et communiquait avec la salle de bain. Elle se sécha et se mit sous les couvertures de son lit douillet, toute nue, et bien au chaud. Son téléphone posé sur la table de chevet se chargeait automatiquement en l’absence de tout branchement. La nouvelle acquisition de son mari pour leur anniversaire de mariage, une table de nuit connectée à commande vocale très pratique pour charger son téléphone, écouter de la musique et recevoir ses appels, quel que soit l'endroit où l'on se trouvait dans la pièce. Même si elle aurait préféré un beau bijou, elle reconnut qu'elle la trouvait sacrément jolie dans sa couleur noire nacrée. Son réveil indiquait 00h10 quand elle s'enfonça dans les couvertures et sombra dans un profond sommeil.

04h37

Un son de liquide, tombant goutte à goutte sur la moquette brisa le silence de la chambre, la tira du sommeil. Elle releva la tête de son oreiller en fouillant l'obscurité. Ploc, ploc, ploc...

Le bruit nonchalant des gouttes d'eau ne semblait pas venir de la salle de bain, mais de la chambre.

Elle se redresse, intriguée. C'est là qu'elle remarqua que les draps collaient à la peau. Se sentant baigner dans un liquide chaud, un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Ploc, ploc, ploc...

Elle ravala sa salive et tâta les draps. Le lit était bien mouillé et spongieux. La panique la gagna aussitôt et elle alluma la lumière. Un mélange de surprise et de dégoût s'empara d'elle quand elle découvrit que les draps blancs avaient viré au rouge sang éclatant. Elle fut horrifiée de constater que son corps tout entier suintait de toute part. Et plus encore, quand elle remarqua qu'elle pouvait voir au travers de sa main. Elle la leva devant ses yeux. Totalement paniquée par cette vision, elle essaya d'attraper son téléphone mais celui-ci passa au travers de ses doigts, laissant sur la table de nuit une traînée amarante, en forme de virgule. Elle se mit à hurler.

Ce même soir, au même moment, au centre de Manhattan, Nicolas pénétrait dans la sphère qu'Eve venait de former au-dessus de l'Empire State Building et luttait pour la vie.